Toute composition Ikebana composée des trois Yaku-eda (Shu-shi, Fuku-shi et Kyaku-shi de l’école Ohara) peut être réalisée de deux manières, l’une reflétant l’autre.

Les expressions « Hon-Gatte, à main droite » et « Gyaku-Gatte, à main gauche, » utilisées pour différencier ces deux possibilités de disposition ne sont pas propres à l’Ikebana mais font partie de la culture de la cour impériale japonaise depuis l’ère Heian.

La disposition des objets de façon Hon-Gatte ou Gyaku-Gatte est commune à toutes sortes de situations telles que la disposition des pierres dans les jardins, celle des Suiseki (pierres de collection) dans les suiban, celle des objets dans le tokonoma, celle du Tokonoma et de la salle de la cérémonie du thé, celle des aliments sur les assiettes et celle d‘une composition Ikebana.     

© École Ohara

 

Origine de la nomenclature Hon-Gatte et Gyaku-Gatte

Pour simplifier, en Occident, trois éléments inégaux sont généralement placés par ordre croissant ou décroissant.

 

 

 

 

Au Japon, l’élément le plus important est placé au centre entre les deux éléments moins importants comme dans le style Chokuritsu-Kei (vertical) de l’École Ohara, style qui fut le premier introduit et qui donna naissance à tous les autres styles. Ce placement imite la position de la triade bouddhique (Voir Article 64, Ikebana et triade bouddhique).

NB : Idéalement les trois objets doivent s’insérer dans le « cercle du Tai-ji » (Voir Article 15, Origine symbolique de l’Ikebana : Tao et la construction du Tai-ji). Les deux plus grands éléments dans la partie Yang du Tai-ji, sont plus proches l’un de l’autre que du plus petit élément. Pour mettre en évidence le plus petit élément, partie Yin du Tai-ji, il doit être détaché des 2 autres.

 

 

 

L’élément le plus important étant placé au centre, selon la représentation du Bouddha dans la triade bouddhique, il n’y a que deux possibilités d’agencer les trois éléments : la situation A et la situation B.

La situation A est la préférée, la plus fréquemment utilisée, est désignée Hon-Gatte : Katte = Gatte = situation, condition, circonstance et Hon = le plus utilisé, favori, normal, principal, droit.

La situation B, position en miroir, moins utilisée s’appelle Gyaku-Gatte « situation opposée » : Gatte = situation, Gyaku = opposé à la situation A, la plus utilisée.

Certaines écoles utilisent le mot Higatte (de Hidari = gauche) à la place de Gyaku-Gatte.

 

La disposition Hon-Gatte est considérée comme Yang/masculine/forte par rapport à la disposition Gyaku-Gatte considérée comme Yin/féminine/faible par rapport à l’autre (définir une chose comme Yang ou Yin, c’est toujours exprimer une comparaison entre celle-ci et une autre). La préférence pour la situation A, Hon-Gatte,  résulte du fait qu’elle est choisie par les droitiers alors que la B est préférée par les gauchers.

 

 

Bien qu’au Japon on écrit de haut en bas et de droite à gauche, on pourrait se douter de la préférence pour l’arrangement Gyaku-Gatte. Mais comme les Japonais sont majoritairement droitiers comme dans le reste de la population mondiale, l’arrangement Hon-Gatte a toujours été favori. Les directions de gauche à droite et dans le sens des aiguilles d’une montre sont choisies par les droitiers, raison pour laquelle elles sont considérées comme Hon-Gatte (situation préférée). Pour les gauchers, population minoritaire, il est plus facile de réaliser de la droite vers la gauche et dans le sens antihoraire des compositions Gyaku-Gatte (opposé à la situation préférée) qui restent moins choisies.

 

 

 

 

Exemples de disposition

 

À l’intérieur du tokonoma, un kakemono toujours au centre et deux objets, au « poids visuel » décroissant, sur ses côtés.

 

 

 

 

 

Ci-contre : disposition Hon-Gatte des objets de la cérémonie du thé.
Le récipient à eau est au centre, la tasse à thé avec le fouet à sa droite et le récipient pour la poudre de thé à sa gauche.

 

 

 

Le seul exemple de disposition dans la culture occidentale actuelle, à la manière japonaise Hon-Gatte, est celle des trois premiers athlètes sportifs sur le podium. Le 1er (le plus fort) est toujours au centre, le 2ème à sa droite, un peu plus bas et le 3ème à sa gauche encore plus bas.

 

 

IKEBANA

 

Les trois éléments disposés de manière Hon-Gatte ou Gyaku-Gatte sont Shu-shi, Fuku-shi et Kyaku-shi selon la terminologie de l’École Ohara. Ces deux possibilités d’arrangement sont présentes dans le Sendenshō, premier manuscrit sur l’Ikebana, rédigé par différents auteurs anonymes dont le 1er exemplaire daté de 1445 appartenait à Fu’ami, moine de la secte Ji et Dōbōshῡ au service des Ashikaga. L’exemplaire appartenant à Ikenobō date de 1536.

 

NB : Chaque école a ses propres désignations pour nommer les trois éléments principaux. À des fins de simplifications, la terminologie de l’École Ohara est utilisée : Shu-shi, Fuku-shi et Kyaku-shi.

 

Lors de la création des règles de composition du Rikka, Shu-shi est toujours au centre (avec deux possibilités de positionnement pour les trois Yaku-eda, éléments principaux, (Voir Article 64, Ikebana et triade bouddhique et Article 70, Esthétique Basara et Ikebana).

 

 

Ci-dessus, à droite, représentation du Bouddha avec un personnage de chaque côté se penchant vers le centre. Cette représentation est à rapprocher d’un kakemono du XIIIe siècle, où les trois éléments du Rikka sont dessinés (image à gauche).

 

Ci-dessous, le Rikka central avec la branche principale bien droite rappelle Bouddha. À ses côtés, deux autres Rikka dont les branches prennent une courbure dans le sens des aiguilles d’une montre dans la composition Hon-Gatte et dans le sens inverse des aiguilles d’une montre dans celle du Gyaku-Gatte.

 

 

 

 

Les positions des éléments principaux (Yaku-eda) du Rikka sont maintenues dans les Shōka/Seika.

Les compositions, autant le Rikka que les Shōka/Seika sont construites à partir du centre.

À noter : La définition Hon-Gatte et Gyaku-Gatte ne dépend pas du point de sortie des plantes du vase mais des positions relatives de Fuku-shi et Kyaku-shi autour d’un Shu-shi central et vertical.

 

Les positions des éléments principaux (Yaku-eda) du Rikka sont maintenues dans les Shōka/Seika.

Les compositions, autant le Rikka que les Shōka/Seika sont construites à partir du centre.

À noter : La définition Hon-Gatte et Gyaku-Gatte ne dépend pas du point de sortie des plantes du vase mais des positions relatives de Fuku-shi et Kyaku-shi autour d’un Shu-shi central et vertical.

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‘École Ohara a conservé les trois éléments Shu-shi, Fuku-shi et Kyaku-shi dans les styles Chokuritsu-kei (vertical), Keisha-kei (incliné), Kansui-kei et Kasui-kei (se reflétant dans l’eau) qui peuvent être arrangés en position Hon-Gatte ou en position Gyaku-Gatte.

© École Ohara

 

 

Si on relie les trois éléments (par exemple dans le tokonoma ou l’Ikebana) en partant du plus petit au plus grand, les deux dispositions donnent le sens de rotation, soit dans le sens des aiguilles d’une montre pour l’arrangement Hon-Gatte, dans le sens antihoraire pour l’arrangement Gyaku-Gatte.

 

Cette direction générale des trois éléments est maintenue, si possible. Par exemple, le tronc du bonsaï mis en position Hon-Gatte donne le mouvement dans le sens des aiguilles d’une montre. À souligner toutefois que le tronc du bonsaï ne peut pas être dans le sens anti-horaire dans une composition Hongatte. De même Shu-shi du style Moribana Chokuritsu-kei (Style vertical) qui ne peut avoir un mouvement anti-horaire dans un arrangement Hon-Gatte.

 

 

 

 

 

Ci-contre : paysage traditionnel Shakei-Moribana Yoshiki Hon-I Ichi-boku-zashi Chokuritsu-kei, Hon-Gatte (Technique du tronc, style vertical).

Shu-shi avec sa courbure orientée dans le sens des aiguilles d’une montre va dans le même sens de la composition. L’élément central agit comme un axe autour duquel se positionnent les deux autres éléments.

La position de Shu-shi détermine si le trio est Hon-Gatte ou Gyaku-Gatte.

 

 

© École Ohara

 

 

 

 

 

 

Ce concept est important pour comprendre la disposition de chacune des feuilles dans les groupes de feuilles et les souches utilisées dans les paysages traditionnels avec iris de l’École Ohara (Shakei-Moribana Yoshiki Hon-I Hagumi).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© École Ohara

 

 

Dans l’assemblage des feuilles d’Iris utilisé dans la technique traditionnelle Hagumi de l’École Ohara, la disposition du groupe de feuilles peut être Hon-Gatte ou Gyaku-Gatte.

 

La fleur (1) assume la fonction de Shu-shi, tandis que les deux plus grandes feuilles (2) et (3) celles de Fuku-shi et de Kyaku-shi.

Même lorsque la fleur n’est pas là et que seul le groupe de feuilles existe, les feuilles ont un arrangement soit Hon-Gatte soit Gyaku-Gatte. C’est la position des feuilles 2 et 3 (toujours les plus grandes du groupe) qui détermine si le groupe est Hon-Gatte ou Gyaku-Gatte.

Les feuilles ajoutées 4, 5 et 6, toujours plus petites que les deux principales 2 et 3, ne modifient pas la disposition initiale Hon-Gatte ou Gyaku-Gatte.

 

Cette nomenclature est actuellement utilisée par toutes les écoles (Voir Article 17, Composition à gauche et composition à droite).