Attention ! Parmi les nombreux Kanji homophones prononcés ‘KA’ on trouve :

 

 

 

KA (lecture On)

Hana (lecture Kun) = fleur

 

 

 

KA (lecture On)

Uta (lecture Kun) = poésie

 

 

Ainsi Ka-dō, écrit en Rōmaji et hors contexte, peut signifier la voie des fleurs ou la voie du poète.

 

Lorsque l’ikebaniste a appris les règles de base de l’Ikebana, il n’a plus peur de « faire des erreurs ». Et, en faisant un choix conscient, il peut utiliser cet art comme une « voie d’émancipation ». Composer un Ikebana selon la voie du Ka-dō dont le but idéal est l’accession à un état d’esprit particulier, à un contrôle de son corps et à une discipline comportementale participe à la réalisation d’un changement dans sa propre vie. Toutes ces caractéristiques, exercées et développées par la pratique de l’Ikebana comme Ka-dō, entreront dans la vie quotidienne et seront mises en pratique dans d’autres situations de sa vie.

 

Dans la vie de tous les jours, nous portons plusieurs masques et armures. En apprenant à créer un Ikebana, différentes facettes de notre caractère se dégagent : timidité, agressivité, angoisse de ne pas réussir, peur de se tromper, croyance d’avoir « bon goût », difficulté à accepter les corrections du professeur, comparaison avec les autres élèves, empressement à finir, désordre autour de la composition, … Être conscient de ces aspects de notre caractère est le premier pas vers la voie du changement, vers l’illumination bouddhique ‘Satori’.

Pour un ikebaniste à l’esprit occidental, pratiquer l’Ikebana dans l’esprit du Ka-dō est une tentative d’atteindre le calme intérieur, d’apprendre à se concentrer et d’améliorer son éthique personnelle de sorte que, même sans atteindre « l’illumination », on améliore sa qualité de vie.

 

L’attitude mentale et physique « idéale » de l’ikebaniste qui suit le Ka-dō est la suivante :

 

– Calme, beauté, précision du geste.

 

– Être dans un état de paix intérieure, calmer le tumulte et rester concentré. Considérer que le moment et l’endroit dans lequel est effectué un arrangement, à l’école comme à la maison, ne sont pas pour « produire un bel Ikebana de manière compétitive » mais pour se consacrer un temps de plaisir.

 

– Se connecter aux plantes utilisées, en les considérant non pas comme un objet à posséder, à exploiter ou comme un outil pour montrer ses «talents», mais comme des plantes vivantes qui méritent tout notre respect.

 

– Considérer toutes les plantes de manière individuelle et les mettre en harmonie les unes avec les autres. Par exemple, ne pas être pas attiré par une seule branche que l’on considère « belle » et s’efforcer de l’adapter à la composition malgré les difficultés techniques. Savoir, au contraire, sacrifier l’exclusivité d’une branche en la remplaçant par une autre plus favorable au résultat global de toute la composition.

 

– Vivre en harmonie avec le reste du monde et ne pas prétendre être le centre duquel tous et chacun doivent s’adapter.

 

– S’affranchir des commentaires du type « j’aime ça » ou « je n’aime pas ça », parfois entendus chez ceux qui suivent les premiers cours d’Ikebana, tant au regard des plantes utilisées qu’aux compositions des autres élèves, est l’un des premiers pas à faire pour être sur la Voie du Ka-dō.

 

– Se concentrer sur la réalisation en évacuant les problèmes quotidiens passés ou futurs.

 

– Être dans l’ici et maintenant est l’une des étapes de la Voie. L’important est ce que je fais ici, dans cet endroit et non ce que j’ai fait ou ferai dans d’autres endroits, à la maison, au travail, chez le dentiste, dans la cuisine, dans la voiture.

L’important est aussi le maintenant, en ce moment et non ce que j’ai fait la dernière fois (par exemple une composition qui n’a pas donné satisfaction, l’insatisfaction liée aux difficultés techniques que j’emporte avec moi ou ce que je ferai la prochaine fois, une merveilleuse composition que tout le monde admirera).

 

– Se concentrer uniquement sur la composition et ne pas oublier de traiter les plantes, les objets et les personnes comme on aimerait être traité.

 

Plantes

 

Nous accordons généralement beaucoup d’attention aux plantes ou à une partie d’entre elles qui entrent dans la composition par rapport à celles que nous jetons, considérées comme encombrantes, gênantes, à jeter au plus vite. À nos yeux, les végétaux utilisés dans la composition sont la raison des éloges que nous recevrons alors que ceux écartés ne contribueront pas à mettre en valeur nos compétences d’ikebaniste.

 

 

Qui suit la Voie considère à la fois les plantes qui entrent dans la composition et celles qui n’en font pas partie de la même manière.

Apporter la même attention et le même soin à ne pas les laisser tomber, à ne pas les piétiner, à les ramasser si elles sont tombées au sol à l’aide d’un balai et d’une pelle. Les plantes de la composition finissent également par être jetées, mais celles-ci ont été utilisées pour renforcer notre Ego alors que celles écartées ne le sont pas et sont injustement considérées comme « inutiles » et traitées en conséquence.

 

Les outils

 

Les choses que nous utilisons méritent le même traitement que les plantes et ceux qui suivent la Voie sont prudents dans l’utilisation des différents outils, en veillant à ne pas faire de bruit en posant le sécateur sur la table. Au Japon, on utilise un torchon pour poser le sécateur de manière à atténuer le bruit.

La table doit rester propre autour de la composition ainsi que le sol. Si leur utilisation est nécessaire, le balai et la pelle doivent être utilisés consciencieusement.

 

Les personnes

 

Certains ikebanistes novices ont tendance à évaluer de manière critique les compositions de leurs collègues ou, lorsque l’enseignant corrige la composition, énumèrent leurs bonnes raisons pour lesquelles cette plante, que l’enseignant a corrigée, a été mise de cette façon. Expliquer les bonnes raisons de la part de l’étudiant ne change pas les raisons de la correction.

 

– Gusty Herrigel, dans son livre «Zen and the Art of Arranging Flowers », dans sa deuxième leçon après que le Maître a retiré les fleurs du vase et refait sa composition, écrit : « Pourquoi, me demandais-je, le Maître ne peut-il pas tenir compte de la psychologie de l’Européen, qui n’admet pas a priori qu’il soit incapable de réussir ?». Ceux qui suivent la Voie sont plus cléments envers les autres élèves, s’abstiennent de faire des commentaires et ne perçoivent pas la correction comme une « critique personnelle » mais comme une aide offerte pour améliorer leur technique et leur compréhension de l’Ikebana. Ils écoutent en silence la correction et l’explication du Maître et en feront bon usage à l’avenir.

 

– Les enseignements du Zen, et par conséquent ceux du Ka-dō, se transmettent par la démonstration et très peu par la parole. Souvenez-vous du « sermon silencieux sur la fleur », considéré comme le début de la pratique Zen, que Bouddha donne au Vulpini Park : lorsque les adeptes lui demandent de donner un sermon, Bouddha répond par un acte silencieux, ne montrant qu’une fleur.

 

– Au Japon, la correction était effectuée sans que le Maître ne donne d’explication. Il suffisait de faire la correction sans que le Maître ou l’élève n’aient besoin de parler. La patience, l’humilité, la paix, le respect et l’harmonie sont les caractéristiques de ceux qui suivent la Voie.

 

Bien qu’il soit difficile de garder le silence pendant les leçons, ceux qui suivent la Voie essaient de le faire. Le silence permet leur propre concentration et celle des personnes autour. Le silence témoigne du respect de soi-même, du Maître et des autres personnes présentes et contribue à souligner la « sacralité » du moment.

 

Celui qui suit la Voie est conscient de l’usage qu’il fait de son corps. Il économise ses gestes en supprimant le superflu. Les actes que nous effectuons pour choisir les végétaux, mesurer la longueur et l’inclinaison appropriées, les manipuler, prendre et placer le sécateur sans bruit, enlever le superflu, les insérer dans le contenant doivent être précis. Ces mouvements sont comparables aux Katas exécutés dans les arts martiaux. Pratiquer consciemment et répéter continuellement les mouvements spécifiques deviennent, par la suite, spontanés et s’exécutent automatiquement.

 

– Ces gestes, aux caractéristiques idéales, sont le résultat d’une longue observation attentive de la plante, d’un instinct éduqué à l’harmonie mais surtout de la force intérieure libérée de l’Ego. Si nous sommes concentrés à ce que nous faisons, rien ne devrait tomber par terre. Si cela se produit, pour l’ikebaniste qui suit la Voie, le nettoyage a la même importance que l’acte créatif de composer l’Ikebana.

 

– Le « démontage » de la composition finie est une action équivalente à la destruction d’un Mandala et rappelle à l’ikebaniste l’impermanence et la fugacité des choses et des personnes. Il est important d’apprendre à « lâcher prise » sans regret de ce qui ne peut en aucun cas être retenu.

 

Il convient de souligner que cette discipline formatrice de caractère, cette voie d’épanouissement personnel et de libération basée sur la pratique du Zen n’a rien à voir avec la religion telle qu’elle est comprise par une personne de foi chrétienne. La Voie du Ka-dō peut être suivie quelle que soit la religion de l’ikebaniste puisque les valeurs qu’elle promulgue, concentration, économie des gestes, silence, harmonie, respect, sérénité, patience, humilité, considération d’autrui, sont partagées par toutes les religions bien que ces valeurs soient non religieuses en elles-mêmes.

À cet égard, les livres d’Aldo Tollini sont très intéressants :

– L’idéal de la Voie, les samouraïs, les moines et les poètes au Japon médiéval.

– La culture du thé au japon et la recherche de la perfection.